Film mexicain de Guillermo Del Toro
1993
Genre : Fantastique
Durée : 1h34
Avec Federico Luppi (Jesús Gris), Ron Perlman (Angel de la Guardia), Claudio Brook (Dieter de la Guardia), Margarita Isabel (Mercedes Gris), Tamara Shanath (Aurora Gris), Daniel Giménez Cacho (Tito), Mario Iván Martínez (L’Alchimiste), Juan Carlos Colombo (directeur pompes funèbres), Farnesio de Bernal (Manuelito)
An 1536 : un certain alchimiste du nom de Fulcanelli (1) est appelé comme horloger à Vera Cruz à la cour du vice-roi du Mexique où il œuvre à la fabrication de l’horloge de Cronos qui permettrait d’accéder à la vie éternelle.
1937 : dans les décombres d’une maison qui vient de s’écrouler, on découvre le cadavre d’un vieil homme qui pourrait être notre alchimiste. Ses biens sont vendus aux enchères mais il n’est fait aucune allusion à la fameuse horloge. Point.
Après un générique très « tango argentin », nous nous retrouvons dans le magasin d’un antiquaire, un certain Jésus Gris (Federico Lupi), que parcourt un étrange client, Angel (Ron Perlman) qui ne semble intéressé que par les paquets récemment arrivés et encore enveloppés.
Un peu plus tard, notre antiquaire déballe l’un d’entre eux : une statuette représentant un ange d’un œil duquel sortira bientôt un insecte et dont le socle recèle une sorte d’œuf magnifiquement ouvragé : l’horloge de Cronos.
L’histoire se déroule dès lors sur deux niveau. Niveau un : le conflit qui oppose l’antiquaire à un entrepreneur du nom de De la Guardia (Claudio Brook) par personne interposée, en l’occurrence son neveu Angel. Objet du conflit : la fameuse horloge que De la Guardia, infirme et mourant, veut s’approprier pour prolonger son existence. Niveau deux : l’emprise sur l’antiquaire de l’horloge qu’il a eu l’audace d’utiliser au grand dam, puis avec la complicité, de la petite Aurore (Tamara Shanath).
Guillermo del Toro, dont c’est le premier long métrage, réussit là un véritable coup de maître. Dans une atmosphère rendue aussi étrange que moite, et à laquelle participe activement la musique de Javier Alvarez, il nous livre un film fantastique d’une grande originalité, servi par des acteurs impeccables dans leur rôle autant trouble qu’inquiétant. L’horreur, jamais présente, est perpétuellement sous-jacente, et ceci dès les premiers instants. Elle atteint son point culminant lorsque la mécanique de l’horloge se met en branle- insecte de métal qui déploie son dard à la manière d’un scorpion - et nous vaut d’agréables (?) frissons.
Federico Luppi, acteur argentin peu connu en France (mais que l’on a pu voir dans un autre film plus récent de Guillermo del Toro : « L’échine du diable »), nous fait totalement participer au cheminement mental d’un homme, au tournant de la vieillesse, à qui se voit offerte l’occasion de retrouver sa virilité d’antan pour continuer de plaire à une épouse plus jeune. Claudio Brook, dont c’était l’un des derniers rôles après une carrière considérable (notamment avec Luis Buñuel : « Viridiana », « L’ange exterminateur », « Simon du désert », « La voie lactée »), n’est pas moins remarquable en homme sans scrupules et oncle tyrannique dont rien n’a plus de valeur que sa propre survie. Et Ron Perlman (2) impose quant à lui son physique d’autant plus attractif qu’il en est ingrat pour un personnage qui lui va comme un gant : un être veule et perfide, soumis et rebelle, pour ne pas dire ambigu et ambitieux dans sa démarche qui consiste à satisfaire la « lubie » de son oncle mais aussi à le voir enfin disparaître pour prendre sa succession à la tête de l’entreprise. Derniers personnages non moins importants : le décor et, dans ce décor, l’horloge de Cronos. L’un et l’autre ne contribuent pas peu à donner à l’ensemble une ambiance rare qui n’est pas sans rappeler ces chefs-d’œuvre que sont « Les yeux sans visage » de Georges Franju ou « Le masque du démon » de Mario Bava.